Notre propriétaire a fait venir
deux déféticheurs, un peu sous la pression des employés de maison et de
certains habitués de la cour. Lui-même n’y croit pas, il est congolais mais de
parents français et vietnamiens (oui, son histoire mérite aussi d’être racontée
et elle le sera). Il sait cependant que l’inquiétude ne s’apaisera pas sans un
cérémonial, sans une preuve que les mauvais sorts qui nous étaient destinés ont
été annulés. Il a donc contacté la paroisse catholique et la congrégation
évangélique (on fait dans l’œcuménique) et s’est fait envoyer deux déféticheurs
selon le bon vieux principe «que trop fort casse pas». Et selon le principe qu’a toujours utilisé
l’église catholique selon lequel, si tu ne peux pas éliminer des croyances
locales, tu les intègre dans ta pratique.
Les déféticheurs sont arrivés. Un
homme et une femme. Nous nous attendions un peu à ce qu’ils se déplacent sur le
terrain, à l’image de sourciers qui, à l’aide d’une baguette double, «sentent»
les vibrations de l’eau dans tel ou tel secteur. Bien non. L’approche est tout
autre. Pour trouver et traiter les mauvais fétiches il leur faut un trou, un
grand trou, assez grand pour que l’homme puisse y entrer accroupi et se
retrouver totalement sous le niveau du sol.
Voilà donc François, le garçon de
cour, qui creuse un trou pendant que la femme prie en balançant le haut du
corps et que l’homme attend paisiblement en faisant la conversation avec un peu
tout le monde.
Puis l’homme se déshabille, ne
conservant que son short, entre dans le trou et s’y blottit sous une planche.
Nous nous tenons tout autour, la femme priant de plus en plus fort et invoquant
Jésus à grands cris. Après quelques minutes, l’homme est pris de transes et
s’agite fortement tirant à lui, à travers le sol, divers objets qui
s’accumulent au fond du trou. Il finit par sortir, essoufflé, et se rince à
l’eau courante. Il nous montre les fétiches qu’il a fait venir à lui, à travers
le sol, utilisant en fait le même vieux truc que les guérisseurs philippins qui
prétendaient opérer des cancers à mains nues. Il ouvre les fétiches, défait les
nœuds destinés à bloquer nos décisions et nos actions, montre les graines et
les restes inidentifiables qui avaient été placés là pour nous nuire. Des
graines qui n’ont curieusement pas pourri malgré leur supposé long séjour en
terre, du sang étonnamment rouge qui doit plus à la peinture qu’à
l’hémoglobine.
Mais les gens de la cour ont
participé, ils ont une explication et une solution qui leur sont proposées, c’est
de la bonne gestion, de celle qui apaise les tensions et calme les esprits. On
éduquera plus tard, une fois les défticheurs partis et les âmes apaisées.
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