lundi 8 novembre 2010

Le beurre et l’argent du beurre

Voilà plusieurs semaines maintenant que nous discutons de l’exploitation du gaz de schiste, un peu comme nous avons discuté auparavant des parc d’éoliennes et, quelques années plus tôt, des lignes de transmission à haut voltage. Nous avons aussi discuté, sur le même ton et avec les mêmes prises de position un peu prévisibles, des gazoducs, de l’exploitation des ressources énergétiques du golfe du Saint-Laurent et de la valorisation des déchets, notamment des huiles usées, par leur incinération.
À chaque fois nous avons adopté le risque zéro. Alors que les pays d’Europe n’enfouissent plus leurs déchets mais les transforment en énergie, nous leur avons d’abord envoyé à grand frais nos huiles contaminées au BPC; nous aurions aussi été en mesure de les brûler gratuitement dans nos cimenteries mais nous avons choisi de ne courir aucun risque, nous nous sommes dotés d’un incinérateur mobile spécialisé et nous avons consacré quelques années et des millions de dollars à leur destruction.
Nous voulons une énergie verte et nous ne voulons pas dépendre que de l’hydroélectricité; mais nous ne voulons plus harnacher de nouvelles rivières, nous ne voulons pas d’éoliennes qui font du bruit ou qui modifient le paysage. Nous voulons vendre de l’électricité à nos voisins mais sans bâtir de nouvelles lignes ou de nouvelles centrales. Nous trouvons que les terre-neuviens se plaignent du Québec pour rien car si nous revendons leur électricité avec un énorme profit, c’est en vertu d’un contrat valide ; et il n’est pas question que nous laissions le fédéral les aider à construire une infrastructure qui leurs permettrait à l’avenir de se passer de nous !
Nous désirons avoir de l’énergie mais il faut que celle-ci soit propre, n’ait pas besoin d’être transportée, nous rapporte de l’argent et nous fasse aimer de nos voisins même si on les exploite un peu au passage.
C’est parfaitement possible. Il suffit de changer nos habitudes.
Si nous diminuions le chauffage de nos maisons de deux degrés, passant de 21 à 19 degrés, nous sauverions une masse énergétique énorme. Non seulement nous ne le faisons pas, malgré les bienfaits d’une telle mesure pour l’environnement et pour la santé physique de la majorité, mais la Régie du logement interdit aux propriétaires de le faire, imposant le 21 degrés dans tous les immeubles locatifs avec chauffage fourni.
Si nous diminuions le nombre d’automobiles, que nous augmentions le prix de l’essence, que nous surtaxions un deuxième ou un troisième véhicule, non seulement nous aurions les ressources pour améliorer les transports en commun mais nous sauverions assez d’énergie pour ne pas avoir besoin d’en chercher de nouvelles sources.
Si nous favorisions des maisons dont la grandeur est en lien avec les besoins réels des personnes, si nous refusions l’étalement urbain, si nous revaloriserions les centres villes nous aurions plus d’énergie qu’il ne nous en faut.
En fait, si nous vendions simplement l’énergie à son juste prix, nous verrions bien des comportements de gaspillage cesser. Et nous pourrions alors choisir de refuser les développements de nouvelles sources d’énergie.
Pour l’instant, nous demeurons parmi les individus les plus énergivores de la planète. Chacun d’entre nous consomme dix fois plus d’énergie qu’un africain, cinq fois plus qu’un sud-américain et deux fois plus qu’un européen.
Il faudrait peut-être que nous cessions de nous interroger que par rapport à nous-mêmes et que nous commencions à nous interroger sur notre vrai impact mondial. Se pourrait-il que nous ne soyons pas aussi gentils que nous croyons l’être ? Se pourrait-il que nous voulions le beurre et l’argent du beurre, même aux dépends des autres ?