La troisième clé qui peut aider à
comprendre l’Afrique est encore liée à la dureté de la vie sur ce continent.
Quoique, il faut finir par le préciser, tout le continent n’est pas semblable,
loin de là. Je parlais hier au téléphone avec un ami tunisien et il me
demandait comment ça allait en Afrique; je lui ai répondu qu’il le savait aussi
bien que moi puisqu’il y était aussi. Il est partit à rire, bien sûr, mais, du
même coup il a protesté qu’il est bien plus en Europe qu’en Afrique. Et c’est
ma foi vrai. Les pays qui sont en contact avec la méditerranée, comme ceux qui
se trouvent sous le tropique du capricorne, ont des climats bien plus variés et
agréables que les autres pays du continent. En bref, l’Afrique dont je parle,
celle qui est le berceau épineux de l’humanité, ce sont les régions du centre,
de l’est et de l’ouest, celles qui correspondent à la plus grande partie de l’Afrique
Noire.
Dans cette Afrique-là, nous
l’avons vu, on ne bâtit pas trop sur un avenir éloigné, on n’avoue pas
facilement ses faiblesses et, surtout, on ne partage pas spontanément son
savoir. Et voilà ma troisième clé; le système initiatique.
Nos sociétés ont longtemps été
fondées sur ce même mystère. Il y a des initiés qui ont eu accès à des
connaissances à travers un processus long, souvent caché, parfois carrément
mystérieux. Une fois ces connaissances acquises on ne les partage pas. En fait,
dans le système initiatique, on n’a pas le droit de partager ses connaissances,
elles sont réservées à ceux qui suivront à leur tour le processus et se
plieront à toutes les règles secrètes. Ce type de mécanismes est à la base des
sectes, des sociétés occultes, des lieux de pouvoir cachés. Même les grandes
religions, comme le catholicisme, sont fondés sur ce système; les prêtres seuls
avaient le droit de lire les textes sacrés et de les interpréter. Ils étaient
des initiés qui ne partageaient pas leurs connaissances. Le protestantisme a
ébranlé le secret mais il n’a été véritablement été levé que très récemment,
avec Vatican II notamment.
En fait, c’est le siècle des
lumières avec le travail des encyclopédistes, qui a changé nos sociétés et en a
fait des cultures où le savoir se répand et se partage. On ne cache plus son
savoir depuis 350 ans, on le montre et les revues scientifiques, la télévision,
internet, en sont autant de manifestations.
Mais l’Afrique est demeurée une
terre de culture orale et d’initiation. Alors, dans les administrations,
nombreux sont ceux qui se donnent de l’importance en refusant de partager
l’information, en faisant des mystères des choses les plus banales. Cela arrive
aussi chez nous mais c’est une triste exception qui relève de la pathologie
administrative. Ici, c’est la norme, c’est la coutume et cela ralentit et
complique tout.