Le temps change. Les journées
raccourcissent un peu, de manière si peu sensible qu’il est impossible de le
percevoir sans montre. Même au cœur de l’hiver, quand on est en fait à quelques
centaines de kilomètres à peine au sud de l’équateur, les saisons ne se
démarquent pas par la longueur des jours. Pour ce qui est de la végétation, le
changement n’est pas évident non plus. Ici, nulle période où tous les arbres changent
de couleur, nul moment où toutes les feuilles ont disparus. Je ne retrouve pas,
autour de moi, ce changement graduel qui nous fait passer du vert acidulé et un
peu jaune des bourgeons à peine ouverts au vert profond et riche des feuilles
matures qui s’étalent avant de se barbouiller de rouge, d’ocre et de jaune
flamboyant. Et, bien sûr, ni mois couverts de blanc, ni saison des récoltes,
chaque fruit, chaque légume, chaque céréale ayant son propre cycle, plusieurs
fois dans l’année.
Pourtant le temps change. Voilà
des mois que, jour après jour, la température avoisine les trente-cinq, sans
parler de l’humidité. Le matin, mon épouse regarde dehors et s’exclame «Zut, il
fait soleil». Comme hier, comme demain. À partir de onze heures le soleil s’affirme
et l’ombre est à peu près inexistante, même près des édifices élevés; il faut
être directement sous un arbre, sous un toit, pour bénéficier d’un répit. Même
là, il n’y a par un souffle de vent. L’air est lourd, presque visqueux. Le
linge nous colle au corps et nous en changeons, au retour à la maison, après
avoir pris une douche. En dehors de brusque tempête de vent, sans une goutte de
pluie, et en dehors de brusques et violentes pluies, sans une brise, le temps
se répète et le soleil semble crucifier un ciel trop bleu, sans un nuage. Puis
voilà, depuis une semaine, que le ciel est couvert d’une brume impalpable, que
le soleil est caché, que les soirées sont plus fraiches, aux environs de vingt-cinq.
Car le temps change. La saison
sèche commence, la saison des pluies est finie. Nous ne verrons plus le soleil
pendant des mois, nous fermerons la clim et ouvrirons les fenêtres. Le sable et
la poussière vont voltiger partout, s’infiltrer sans répit. Les odeurs vont
persister, aucune ondée ne venant laver les relents d’urine le long des murs.
Alors le temps change. Mais bien peu
à l’équateur. Nous, nous partons. Ou
plutôt nous revenons. Encore un mois et nous retrouverons les saisons, celles
qui font que chaque jour est un peu imprévisible. Et nous recommencerons à
écouter la météo.
Mais, partout, que les temps
changent peu. Les mêmes politiques qui se discutent, les mêmes projets
qui s’affrontent, les mêmes sottises à la base des mêmes tensions, les mêmes
germes de guerres, les mêmes noms qui n’en finissent plus de tourner. Il serait
grand temps de passer à une autre saison.
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