C’est la fin du mois, alors il
faut écrire un rapport, le rapport mensuel. Mais c’est aussi la fin du
trimestre, lequel commande un rapport, le rapport trimestriel. Et puis je
quitte bientôt, mon mandat achève, ce qui nécessite un rapport, le rapport
final. Par ailleurs il y a eu deux activités et trois extrants de produits ce
trimestre et cela demande des rapports, les rapports d’activité et les rapports
d’extrant. Alors, quand vient le moment d’écrire mon texte pour la Voix de
l’Est, curieusement, la seule idée qui me vient en tête c’et en rapport avec
les rapports.
J’ai écrit des rapports toute ma
vie. Des petits ou des gros, des insignifiants, aussitôt avalés par la machine
à procédure et disparus dans des entrailles inexplorables, et des plus
importants, parfois pour la bouche délicate d’une commission parlementaire ou
pour le palais délicat d’un groupe de hauts fonctionnaires. Certains ont même
leur numéro d’ISBN, sont donc officiellement édités, et devraient se retrouver
dans le fond de la bibliothèque nationale où ils vivent leur vie étriquée de
rapport conséquents mais oubliés.
Toutefois, c’est dans les projets
internationaux que j’atteins des sommets. Ici le rapport est à ce point
essentiel que leur écriture porte un nom; le rapporting. Quand vous examinez
les Termes de Références d’un projet (l’une des expressions sacro-saintes de
l’international), quand vous lisez un affichage de poste, vous verrez chaque
fois, pour le chef de projet, des activités de rapporting. Et, en effet, on rapporte!
Soixante ans que des intervenants
de tous les pays riches écrivent des rapports sur leurs activités d’appuis à
des pays pauvres. En empilant ces rapports les uns sur les autres on est
certainement capable de grimper jusqu’à la lune. Et en alignant toutes leurs
mots en une seule longue ligne on fait probablement tout le tracé de l’orbite
terrestre autour du soleil. Cela n’a, malheureusement, pas changé grand-chose.
Je n’ai pas trop à me plaindre,
cette fois, le bailleur européen qui finance le projet demande bien moins de
rapports, et moins d’ajustements à ceux-ci, que ne le faisait l’ACDI quand j’étais
en Haïti, surtout après le tremblement de terre. Et ce n’est pas tant le fait
d’écrire des rapports qui me dérange, au contraire j’aime plutôt cela. Non, ce
qui me perturbe c’est qu’on en en fasse si peu compte. Une fois le rapport
écrit, une fois le rapport reçu, il ne semble y avoir aucune suite. Le rapport
n’est vu que comme un moyen de rendre compte de manière statique, que comme une
preuve justifiant des dépenses et des actions. Alors que les rapports ne
prennent leur sens et leur valeur que quand ils sont accessibles, quand ils
sont lus, et quand on se base sur eux pour faire autre choses, la fois
suivante.
Et si on en lisait quelques-uns,
de ces fameux rapports?
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