mercredi 5 mai 2010

Construire au Québec

Les québécois sont fiers, à juste titre, de plusieurs de leurs réalisations collectives comme Hydro Québec, le réseau des cégeps et la Caisse de dépôt. Il y a là des spécificités qui nous amènent à parler du modèle québécois, du Québec Inc. Cette fierté va parfois, cependant, jusqu’à méconnaître la réalité en croyant que des réalisations ou des valeurs répandues à travers le Canada viennent du Québec; les assurances emploi et maladie ne sont en rien des inventions québécoises et la solidarité sociale est née dans l’Ouest bien avant d’apparaître au Québec. Cela n’est pas bien grave, si ce n’est que cette confusion permet au Bloc de se réclamer de valeurs qui sont en fait parfaitement canadiennes…
Non, ce qui est plus malheureux c’est qu’au nom de notre manière de faire, nous oublions de regarder nos erreurs. Ainsi, le cas Lacroix s’est produit chez nous, pas en Ontario, et a montré l’insuffisance de nos systèmes québécois de contrôle financier. Pourtant, devant la volonté de créer un système pan canadien, nous désirons garder le nôtre, quitte à ce que des milliers d’autres investisseurs se fassent voler.
Un autre cas, plus couteux encore, est celui de la construction.
Le Québec veut promouvoir l’excellence de ses ressources humaines et de ses entreprises. Pour cela il les a protégées de la concurrence extérieure afin qu’elles puissent se développer et devenir des joueurs d’envergure. Cela était très bien dans les années soixante dix et a en effet permis l’établissement du Québec Inc. Mais le maintien de ces protections est devenu ridicule, inefficace et ruineux depuis un quart de siècle.
Si vous n’êtes que quelques compagnies à faire des routes, si les autres compagnies établies aux Etats-Unis et en Ontario, où les routes coutent d’ailleurs moins cher, n’ont pas le droit de venir soumissionner, vous vous endormez dans votre confort. Le système ne vous pousse pas du tout à l’excellence mais bien à la paresse. Plutôt que de chercher des solutions originales, des procédés moins couteux, vous augmentez les prix et vous vous entendez avec les autres, quand ce n’est pas pire, comme nous l’avons vu récemment dans quelques cas.
Le scandale de la construction n’est pas que dans les éventuelles menaces à tel ou tel travailleur, dans le trucage des appels d’offre, dans le dépassement éhonté des coûts, bref dans la présence de criminels au sein d’activités commerciales dont tous les citoyens payent collectivement les coûts par leurs taxes et leurs impôts. Le scandale est ici dans le modèle québécois lui-même. Ce n’est pas parce que nous avons créé quelque chose qu’il ne faut pas le revoir et ce n’est pas parce que nous sommes les seuls à l’avoir que c’est forcément mieux qu’ailleurs. Dans le cas de l’industrie de la construction, et de la construction des infrastructures en particulier, tous les chiffres montrent que nous payons plus cher qu’ailleurs. Notre climat, semble-t-il, justifierait que nos routes soient plus chères (qu’en Suède ?) ; est-ce le même climat qui fait que les viaducs sont aussi plus chers ? Et les échangeurs, les centrales d’épuration des eaux usées, les hôpitaux ?
L’argent des infrastructures est dépensé dans plusieurs lieux de décision, du ministère des transports jusqu’aux municipalités. Tenter de redresser la situation par des brigades policières, par des commissions d’enquête publique, par le jeu démocratique librement exercé par des citoyens courageux qui dénoncent les abus est un travail de longue haleine, épuisant et peut-être inutile ; après tout, nous avons fait tout cela il y a quelques décennies et rien n’a changé vraiment, ni au sein des industries ni au sein des syndicats.
La solution la plus simple, la plus rapide et la plus efficace est sans doute de casser les monopoles et de s’ouvrir à la concurrence. Et là, vraiment, vous verrez les prix baisser.

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