mardi 25 mai 2010

L’éthique

Il y a des mots qui deviennent à la mode. Parfois, la sur utilisation d’un mot ou d’une expression relève du simple tic et n’est qu’agaçante. Mais, parfois, il s’agit d’une perte de sens qui est plus grave comme c’est actuellement le cas, me semble-t-il, pour l’éthique.
Dire de quelqu’un qu’il manque d’éthique est un jugement à l’emporte pièce qui illustre peut-être davantage l’ignorance de l’accusateur que l’impureté de l’accusé ! Et si on faisait un peu de ménage pour s’y retrouver ?
D’abord vous avez la morale ; elle varie selon les sociétés, les religions, les époques et elle se distingue parfois mal des usages. Ainsi, dans le Québec des années cinquante, on jetait à la rue la petite bonne qui s’était fait engrossée; l’usage était admis par la société. De même, il n’était pas envisageable pour une femme de marcher en ville ou d’entrer dans une église sans se couvrir les cheveux… comme c’est le cas aujourd’hui dans plusieurs pays islamiques.
Bref, les morales changent et n’ont comme seul avantage que de vous éviter de réfléchir ; vous n’avez qu’à appliquer aveuglement un code social sans vous poser de question. La morale peut donc, facilement, aller à l’inverse de ce qu’on pourrait qualifier de bien.
Il y a aussi la loi. Dans une société et une époque donnée on s’est entendu pour déclarer telle ou telle chose illégale. Les lois changent aussi, comme la morale, mais de manière plus claire et plus structurée ; il y a une réflexion qui est tenue au moins par ceux qui développent la loi. Ceci dit, il y a cinquante ans une femme était légalement soumise à son mari ; aujourd’hui une femme peut accuser son mari de l’avoir violée. Autrement dit, pendant des décennies, chez nous, la loi comme la morale empêchaient une femme de se plaindre et de se défaire d’un mari qui l’abusait. Là encore, la loi peut aller à l’encontre de ce que nous pourrions appeler le bien.
Il y a encore la déontologie, un peu moins connue et encore plus mal utilisée que l’éthique. La déontologie est un ensemble de règles qui s’appliquent à une profession et elle exige souvent que l’on réfléchisse à la portée de notre action. Mais la réponse que l’on donne selon la déontologie, en visant le bien dans le cadre de l’acte professionnel, pourra ne pas aller dans le sens d’un bien plus général.
L’éthique, quant à elle, est obligatoirement une réflexion. Tenant compte de la morale, de la loi, de la déontologie, de votre conception personnelle du bien, vous tentez, dans une situation donnée, d’agir en fonction du bien. Vous êtes seul et personne ne peut vous guider. Le bien et le mal sont entre vos mains et c’est de votre décision que dépend la victoire de l’un ou de l’autre.
Vous êtes un militaire, lié par un devoir d’obéissance et habitué à ce devoir depuis quinze ou vingt ans ; on vous demande de diriger le camp d’extermination de Dachau pour éliminer efficacement des milliers de sujets et vous le faites. Ou bien on vous demande de laisser tomber une bombe atomique sur la ville japonaise d’Hiroshima, et vous le faites.
Ou est la différence ? Si vous vous réclamez des ordres reçus n’êtes vous pas autant coupable ou innocent dans l’un ou l’autre cas ? Avant d’accepter ou de refuser, n’avez-vous pas l’obligation de réfléchir, de tenter de comprendre, de porter un jugement éclairé puis de décider, en sachant la chose éthique ou non? Car de savoir qu’une chose n’est pas éthique ne nous empêche pas de choisir de la faire tout de même.
Quand nous réclamons plus d’éthique de nos politiciens ou de nos élites nous ne faisons, dans les faits, qu’exiger d’eux qu’ils respectent la loi et la déontologie ce qui est la moindre des choses.
L’éthique, elle, nous devons l’exiger de chacun de nous en sachant qu’elle requiert une chose à la fois essentielle, très simple et très exigeante ; de la probité.

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